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Témoignage de Jean-Louis Bianco : La mission Debré et le vote de la loi du 15 mars 2004

Publié le 15/03/2024 par Vigie de la Laïcité
Avec Jean-Louis Bianco

Publié le 15/03/2024
Par Vigie de la Laïcité
Avec Jean-Louis Bianco

En juin 2003, le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, prend l’initiative de constituer une mission d’information sur la question des signes religieux à l’école. Jean-Louis Bianco, qui était député du groupe socialiste à cette époque, éclaire l’histoire de cette instance, ses équilibres internes, et la manière dont elle a préparé les esprits, au même titre que la commission Stasi, au vote de la loi du 15 mars 2004.

La mission d’information sur les signes religieux à l’école est décidée sur la proposition de Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée nationale. Il propose d’être à la fois le président et le rapporteur principal de cette mission, ce qui ne semble pas avoir provoqué de difficultés particulières. La mission est constituée le 4 juin 2003. Son rapport est adopté le 4 décembre 2003.

Il faut noter que la commission Stasi est mise en place le 3 juillet 2003 par Jacques Chirac, président de la République. Elle rend ses conclusions le 11 décembre 2003. On voit que les calendriers sont quasiment identiques. On n’a pas l’impression qu’il y ait eu fondamentalement course de vitesse et concurrence. Il y avait une certaine logique à disposer simultanément des deux rapports, d’autant que sur la question centrale des signes religieux à l’école il y avait convergence. J’ignore la nature et les protagonistes des contacts, qui ont certainement eu lieu entre les deux commissions.

En réalité Jean-Louis Debré, suivi par de nombreux députés, considérait que l’Assemblée nationale ne pouvait être absente, ou paraître à la remorque dans ce débat important. Il tenait à lui donner une visibilité particulière en mettant en place, ce qui était relativement rare à l’époque, un forum d’expression sur le site internet de l’Assemblée nationale.

La composition de la mission Debré reflétait les équilibres entre les groupes politiques de l’Assemblée : 18 UMP (Union pour un mouvement populaire) et 2 UDF (Union pour la démocratie française) pour la droite majoritaire ; 8 socialistes, 2 communistes et apparentés pour l’opposition de gauche. Le même souci d’équilibre (et même un peu au-delà) se retrouvait dans la composition du bureau de la mission : 2 UMP, 2 socialistes, 1 UDF, 1communiste.

Au départ de la mission, le climat chez les députés n’était pas à l’affrontement idéologique, mais plutôt à la recherche d’une solution permettant de sortir des difficultés et des interrogations de la période qui s’était ouverte en octobre 1989, à partir de l’exclusion de deux élèves musulmanes du collège Gabriel-Havez de Creil, parce qu’elles refusaient d’enlever leur voile en classe.

Le même esprit de recherche d’un consensus a présidé à l’examen de la loi en février 2004. Les débats ont surtout porté sur des amendements (proposant de remplacer l’adjectif « visible » par l’adjectif « ostensible » par exemple).

Les orateurs des groupes (Jacques Barrot pour l’UMP, Jean Glavany pour le PS, Alain Bocquet pour le PCF) insistent sur la nécessité de prendre des mesures pour l’intégration scolaire et contre les discriminations.

Les députés des deux partis dominants de l’époque, le PS pour la gauche, et l’UMP pour la droite, votent massivement en faveur de la loi. Les votes sont davantage partagés à l’UDF et au PCF (seul groupe où le nom l’emporte).

GroupeVote PourVote ContreAbstention
UMP33012
UDF133
PS140212
PCF714

Au sein du groupe PS, deux raisons principales motivent le soutien à la loi, et sont mis en avant par Jean Glavany, en charge des questions de laïcité : l’ « appel pressant de la communauté éducative » ; « l’offensive de certains milieux intégristes, certes limitée, a néanmoins défié la République ».

 

Jean-Louis Bianco
Président de la Vigie de la laïcité, ancien président de l’Observatoire de la laïcité, ancien ministre et ancien secrétaire général de l’Élysée

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