Tribune

Sortie du livre « Les derniers jours du parti socialiste » : Retour sur les « derniers jours de l’Observatoire de la laïcité » face aux « faussaires de la laïcité »

Publié le 23/09/2024 par La Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

Publié le 23/09/2024
Par La Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

« Les derniers jours du Parti socialiste » est un livre d’Aurélien Bellanger qui, comme son titre ne l’indique pas, traite largement de la laïcité, et surtout, d’un mouvement qui a cherché (avec succès) à influencer les pouvoirs politiques en la matière, en en détournant le sens. Ce mouvement, c’est le « printemps républicain ».

Au sein de la Vigie de la laïcité, certains ont déjà lu ce livre, comme Jean Baubérot-Vincent et Valentine Zuber qui en ont fait une recension précieuse, ici et .

La sortie de ce livre est aussi l’occasion de revenir sur les méfaits de ce mouvement « printaniste » et sur ses attaques incessantes à l’encontre de celles et ceux qui refusent le dévoiement de la laïcité en dogme identitaire et de combat.

Bien qu’institution reconnue de tous les acteurs de terrain pour son action, il a été brutalement mis fin aux missions de l’Observatoire de la laïcité en 2021. Le « printemps républicain » n’y est pas étranger, même si ses thèses (opposées à celle de l’Observatoire) gagnaient du terrain avant même sa création.
À l’annonce de la fin de leur mandat, les membres de l’Observatoire de la laïcité, issus des différents groupes parlementaires, d’institutions comme le Conseil d’État ou le Conseil supérieur de la magistrature, ou des administrations centrales (Éducation nationale, Justice, Intérieur, Affaires étrangères, Fonction publique, Affaires sociales, etc.), n’ont pas même été reçus, ni à Matignon ni à l’Élysée.

Pourquoi a-t-il été mis fin à l’Observatoire de la laïcité ? La raison est désormais connue et parfois même assumée par les auteurs de cette dissolution : pour laisser le champ libre au seul pouvoir gouvernemental quant à la communication et à l’action à mener en matière de laïcité. Cela, quitte à relayer des éléments faux en droit, avec le risque de dérives législatives (l’Observatoire de la laïcité, autonome, était consulté en amont de projets de loi).

Ainsi, avec le « printemps républicain » (dénommé « mouvement du 9 décembre » dans le livre Aurélien Bellanger), nous avons assisté à une rapide « idéologisation » de la laïcité. Celle-ci est alors devenu un outil politicien au service d’une idéologie. Certains « printanistes », grâce à la médiatisation, en ont même fait un business fort lucratif.

C’est pour ce faire que les thèses du « printemps républicain » ont été utiles. Du même coup, elles ont été particulièrement néfastes pour l’intérêt commun et pour la laïcité (la vraie, celle qui découle de notre histoire et qui est traduite en droit).

Cette conception dévoyée de la laïcité a évidemment renforcé le camp réactionnaire. Faire de la laïcité un outil idéologique et politicien est bien pratique lorsque les fins sont purement électoralistes : on justifie n’importe quoi par la « laïcité », principe a priori intouchable.
Beaucoup l’ont ainsi utilisé pour justifier des thèses gallicanes ou identitaires voire, et c’est plus grave, xénophobes. Cela, sans jamais à avoir à travailler sur la racine des problèmes. C’est bien commode, et, à l’inverse de la prétendue « fermeté » que ces apprentis sorciers avancent, c’est d’une immense lâcheté. Un exemple parmi d’autres : plutôt que de travailler à la mixité sociale à l’école pour mélanger les publics scolaires, renforcer l’interaction sociale et le débat, et, in fine, éviter les replis (preuve en a déjà été faite), certains veulent tout interdire y compris aux parents d’élèves (ce qui a d’autres graves conséquences). C’est tellement plus simple que de renforcer la mixité sociale, qui suppose du courage tant auprès des parents (qui peuvent légitimement craindre une baisse de niveau de leurs enfants, mais qui y gagneront à moyen terme) qu’auprès de l’enseignement privé…

L’Observatoire de la laïcité ne portait pas une « certaine vision » de la laïcité qui aurait pu être opposée, au même niveau, à celle du « printemps républicain ». Non, l’Observatoire s’en tenait strictement au droit quand cette association ne le respectait tout simplement pas. Les deux positions n’ont donc pas la même valeur, à l’inverse de ce qu’avançaient trop de médias.

L’Observatoire de la laïcité n’a jamais, dans ses écrits et interventions, été mis en défaut sur le droit. Ainsi, nos modules de formations sont toujours utilisés pour les fonctionnaires. Aussi, toutes les plus hautes juridictions (dont le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de Justice de l’Union européenne) ont confirmé nos avis.

Par son action juridique, l’Observatoire de la laïcité évitait ainsi beaucoup de contentieux : quand on nous demandait un avis, il était suivi et personne n’allait en justice. De mémoire, il est arrivé l’inverse une fois : notre avis n’a pas été suivi par une collectivité (dont la majorité est proche du « printemps républicain ») et, résultat, son texte a été cassé par la justice administrative.

Nous représentions une institution étatique et étions parfaitement neutres, respectueux dans nos propres méthodes de travail de la logique laïque. Tous nos avis étaient adoptés par consensus. Sur des dizaines et des dizaines, seuls deux textes ont nécessité un vote, d’ailleurs très majoritaire (20 voix contre 3). Et ce, alors même que nous avions autour de la table notamment des parlementaires des majorités et des oppositions d’alors.
Nombre de « visions » de la laïcité étaient portées mais ces visions s’effaçaient car les membres se voyaient convaincus par le droit de la laïcité tel que posé historiquement.

La seule ligne « politique » que l’on pourrait donc admettre quant à l’Observatoire de la laïcité, c’était son attachement profond à la loi de 1905, et à l’ensemble des lois laïques.

Si le roman d’Aurélien Bellanger peut, déjà, permettre de comprendre combien les thèses du « printemps républicain » ont été nocives pour notre « faire ensemble » et notre vie collective, sans doute serait-ce un bon point.
Beaucoup l’avaient décrit depuis longtemps, notamment dans une étude poussée de Slate, avec notamment des recherches d’Isabelle Kersimon, de Romain Gaspar et de Pierre Maurer.

Les praticiens de la laïcité (professeurs, mouvements d’éducation populaire, associations historiques de la laïcité, organisations syndicales, etc.) avaient largement dénoncé le « printemps républicain », sans jamais être véritablement écoutés. Si ce roman peut permettre à certains, notamment au sein de milieux difficiles à attendre, de revenir à l’essence de la laïcité, à ce qu’elle est vraiment, à nous éloigner de ses instrumentalisations et dévoiements pour en rester à ce trésor qui nous permet de traduire en actes la devise républicaine vis-à-vis des convictions ou croyances, banco !

Nicolas Cadène
Ancien rapporteur général de l’observatoire de la laïcité, cofondateur de la Vigie de la Laïcité

NB : chacun ici connaît la suite. Après la fermeture de l’Observatoire de la laïcité, a été révélé qu’au moment même où elle était décidée était créé un fonds dont les ressources ont été potentiellement détournées pour des associations « amies » et de nombreux partisans du « printemps républicain » (Affaire du Fonds Marianne).

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