Article

Les effets de la loi de 2004 sur le monde enseignant mais aussi sur les familles et les élèves

Publié le 15/03/2024 par Vigie de la Laïcité
Avec Samia Langar

Publié le 15/03/2024
Par Vigie de la Laïcité
Avec Samia Langar

Mon intervention prend appui sur ma thèse de doctorat soutenue en 2018 et intitulée : L’évolution de l’islam en France et ses répercussions dans l’école et la société. De la marche pour l’égalité à l’affirmation des revendications identitaires et religieuses : une problématique de la reconnaissance.

Depuis une trentaine d’années les revendications identitaires et religieuses se développent dans la société française et frappent aux portes de l’école. Cette recherche tente d’en comprendre les raisons et les enjeux en croisant, dans le cadre d’une problématique de la reconnaissance empruntée à la philosophie d’Axel Honneth, l’enquête théorique et l’enquête empirique. Son premier volet, en appui sur les travaux en sciences politiques et en sociologie, étudie, sur la période qui s’étend des années 1970 à nos jours, les principales phases de ce processus. Le second volet est consacré à une enquête menée sur le terrain de la ville de Vénissieux, au moyen d’entretiens au sein de l’institution scolaire (enseignants et responsables) et auprès des parents de familles de confession musulmane. Le troisième volet enfin est consacré à quelques-uns des concepts et notions philosophiques qu’interroge particulièrement ce développement des revendications identitaires et religieuses : l’identité, l’universalité, la laïcité.

Je m’appuie également sur une recherche ANR SociogrIEF1Recherche ANR SociogrIEF, sous la direction de P. Bongrand, ÉMA, CY Cergy Paris Université, 2019-2022. portant sur l’instruction en famille, à laquelle j’ai participé. Ma contribution à cette recherche portait sur les trajectoires de mères de confession musulmane instruisant en famille. Elle procédait par entretiens compréhensifs approfondis, proches du récit de vie.

Je commencerai par souligner ce que mon travail de thèse avec enquêtes auprès des familles et des enseignants m’a appris et ce que m’a confirmé aussi la poursuite de la recherche sur le terrain de l’IEF des familles musulmanes : l’importance d’inscrire la loi de 2004 dans une histoire. Une histoire de l’immigration, une histoire politique, familiale, mais aussi scolaire.

Un premier développement porte sur les enseignants et les responsables éducatifs, sur leur rapport à la laïcité et plus particulièrement à la loi de 2004, sur les répercussions de cette loi dans leurs rapports avec les élèves et plus largement avec les familles. Un deuxième développement est consacré à la réception de la loi de 2004 par ces familles et les conséquences de cette loi dans leur rapport à l’école. Enfin, un troisième développement est consacré aux effets de cette loi sur les élèves ; pour cela je m’appuie sur les témoignages issus de mon enquête portant sur les trajectoires des mères instruisant en famille : ces témoignages portent sur leur propre vécu scolaire et universitaire en lien avec cette loi, et sur la projection qui en découle sur la façon dont elles conçoivent et gèrent la scolarité de leurs enfants.

Ma conclusion met l’accent sur deux points. Le premier concerne la réception de la loi de 2004 par les familles musulmanes enquêtées : quel que soit leur degré de religiosité, cette loi a été perçue comme une loi anti-musulmane, ce qui a accentué dans ces familles un fort sentiment de relégation sociale, de déni de francité, de déni de reconnaissance comme citoyens français à part entière.

Le deuxième point montre comment la laïcité, dans le cadre de cette loi, n’est plus perçue comme une valeur, mais comme une sorte de règle de conduite formelle. Cette perception, cette réception donne corps à une difficulté inhérente à la laïcité selon Paul Thibaud, et la renforce : « au niveau conceptuel, écrit-il, la laïcité souffre d’être définie comme une simple règle, une pure restriction antireligieuse, et non comme une valeur, une expression de la fraternité républicaine »2Thibaud, P. (2006). Où sommes-nous. Dans Seksig, A. (2006). L’école face à l’obscurantisme religieux– 20 personnalités commentent le rapport Obin. Paris : Max Milo Editions. pp. 155 et sq..

 

Samia Langar
Docteure en sciences de l’éducation, chercheure associée de l’Unité de recherche Éducation, Cultures, Politiques, Université Lumière Lyon II

Notes de bas de page

  • 1
    Recherche ANR SociogrIEF, sous la direction de P. Bongrand, ÉMA, CY Cergy Paris Université, 2019-2022.
  • 2
    Thibaud, P. (2006). Où sommes-nous. Dans Seksig, A. (2006). L’école face à l’obscurantisme religieux– 20 personnalités commentent le rapport Obin. Paris : Max Milo Editions. pp. 155 et sq.

Partagez cette ressource sur vos réseaux

Abonnez-vous à notre newsletter