Note

Le contrat d’engagement républicain et les obstacles mis au bon fonctionnement des associations cultuelles : le plaidoyer du protestantisme français

Publié le 26/11/2022 par Vigie de la Laïcité
Avec François Clavairoly

Publié le 26/11/2022
Par Vigie de la Laïcité
Avec François Clavairoly

François Clavairoly, ancien président de la Fédération protestante de France revient sur son action de plaidoyer contre le contrat d’engagement républicain prévu par la loi confortant les principes de la République du 24 août 2021. A l’aide d’exemples concrets il montre combien cette loi, à travers les entraves qu’elle pose au bon exercice du culte, s’est finalement trompée de cible. Il plaide pour un retour à l’esprit libéral et équilibré de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 basé sur la confiance.

Le protestantisme français a toujours exprimé son attachement aux valeurs de la République. Il n’a cessé d’affirmer son rôle de vigie face à toute atteinte qui pourrait les affaiblir. Ce rôle de vigie de la République a été salué par le président Macron lui-même, dans un discours, le premier prononcé à l’adresse d’un culte, le culte protestant, le 22 septembre 2017 à l’occasion des 500 ans de la Réforme à l’Hôtel de Ville de Paris.

Le protestantisme a contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre de la loi de 1905 : il compte en effet près de 4 000 des 5 000 associations cultuelles et à ce titre se trouve être particulièrement concerné par la loi du 24 août 2021, plus que d’autres cultes organisés sous d’autres modalités. Il est tout aussi concerné par cette loi car il est à l’origine d’un vaste élan du mouvement associatif établi par la « loi de 1901 » à vocation sociale et humanitaire. C’est donc depuis cette place singulière que la Fédération protestante de France, représentant à la fois Églises (1905) et associations (1901), alerte sur 4 points de la loi :

  1. Le « contrat d’engagement républicain » prévu à l’article 6 menace la capacité de plaidoyer et d’action des associations « 1901 » en subordonnant le versement de subventions publiques au respect de « la sauvegarde de l’ordre public ». Cette formulation floue fait craindre que leurs contestations de certaines politiques publiques ne soient jugées par les décisionnaires comme s’opposant à l’attribution de concours financiers dès lors qu’elles mettent en cause l’ordre établi. Ce risque est plus avéré encore au regard de certaines formes d’engagement potentiellement requalifiables en délits, notamment dans le domaine de l’exclusion et de l’accueil de l’étranger, sujets sur lesquels le protestantisme restera engagé. Il fait peser le soupçon sur la loyauté républicaine de ces associations. Il se redouble dans la mesure où il apparait maintenant que certaines préfectures demandent à tort la signature de contrat républicain, cette fois à des associations cultuelles « 1905 », confondant « subventions » (or, la République ne reconnait ni ne subventionne aucun culte) avec les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d’accessibilité aux édifices affectés au culte public et dont la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 autorise l’utilisation par les collectivités locales.
  2. La vérification par les services fiscaux de la régularité des reçus émis par les associations cultuelles est de nature à porter atteinte à la liberté de conscience et à la liberté de culte. Comme tous les autres organismes bénéficiaires de dons à la seule exception des organismes de financement politique, elles sont tenues par l’article 11 de leur communiquer chaque année un récapitulatif global du montant cumulé des dons et du nombre des reçus délivrés. Toutefois si l’identité des donateurs n’a pas à être transmise, l’article 10 qui définit le cadre dans lequel s’exerce cette vérification ne fait pas obstacle à ce que les services fiscaux, une fois un contrôle ouvert, accèdent au fichier nominatif tenu par les associations cultuelles.
  3. L’obligation imposée par l’article 27 aux associations cultuelles de se déclarer comme telles auprès du préfet lors de leur constitution puis tous les cinq ans pour bénéficier de certains dispositifs fiscaux constitue une atteinte au libre exercice du culte. Elle revient à mettre en place un dispositif d’« agrément administratif ».
  4. Les nouvelles dispositions pesant sur les associations cultuelles bénéficiaires d’apports étrangers fragilisent les plus petites d’entre elles. Elles se traduisent à l’article 33 par une obligation coûteuse de faire certifier leurs comptes, indépendamment du seuil de droit commun. Elles s’accompagnent d’une pénalisation du non-respect par le dirigeant d’une association cultuelle des obligations comptables qui pèsent sur elle, sans équivalent pour les « 1901 ».

Pour conclure, s’il est évident que la loi du 24 août 2021 se donne comme but le renforcement des principes républicains et qu’elle a dans ses objectifs de lutter contre le « séparatisme » que constituent les actes et les discours mettant en cause les valeurs de la République, elle vise, dans son volet cultuel, les citoyens qui assument depuis toujours leur engagement républicain.

Cet affichage d’une volonté de lutter contre le terrorisme et toute autre dérive antirépublicaine ne peut qu’être interrogé. La cible visée, mettant en cause le dispositif d’équilibre établi par la loi de 1905, n’est pas la bonne.

Ce ne sont donc pas seulement les « effets de bord » que nous devons déplorer, à savoir les contraintes et les démarches administratives qui s’ensuivent et que les protestants accepteront encore mais bien l’esprit de cette loi : ses dispositions ne garantissent pas plus ou mieux le libre exercice du culte mais l’encadrent par des conditions qui sont autant de limitations de la liberté.

Le renforcement du contrôle administratif et la suspicion portée sur la loyauté républicaine des cultes désignent bien à la fois un état d’esprit, un mouvement impensé (ou non) du législateur ouvrant un chemin peu favorable à l’esprit d’une laïcité d’intelligence : le chemin de la méfiance et non de la confiance, celui d’une forme de « neutralisation religieuse » de la société ici consacrée par une loi régressant par rapport aux dispositions et à l’esprit libéral de la loi de 1905.

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