Du XVIIe-XVIIIe siècles au début du XXe siècle, tout le monde écrit « laïque » dans tous les cas. On ne trouve que quelques emplois de la graphie « laïc », soit chez des historiens, soit lorsque l’on cherche à donner un cachet ancien à un texte. Et jusqu’à aujourd’hui, la plupart des dictionnaires de référence ne donnent que cette graphie, qui s’est construite de manière analogue à celle de bien d’autres mots (comique, historique, poétique, etc.).
Mais l’usage plus récent est devenu incertain et l’on trouve deci delà des règles grammaticales construites a posteriori pour justifier la variation de graphie. Mais aucune n’est convaincante.
La distinction correspond à une règle sémantique : un laïque est un partisan de la laïcité, un laïc est un membre d’une église qui n’est pas ecclésiastique. Cette règle apparaît à la fin des années 1930 et surtout au début des années 1940 dans le journal La Croix, qui, à l’époque, était fermement anti-laïcité. Pie XI puis Pie XII en avaient en effet appelé au laïcat catholique pour lutter contre le communisme. Le journal devait donc marquer la différence entre les bons « laïcs » et les mauvais « laïques » ! A ce jour, même si sa ligne éditoriale s’est considérablement modifiée, La Croix est encore un des seuls titres de presse à appliquer systématiquement cette distinction. Depuis, d’autres (des francs-maçons, le linguiste Pierre Fiala…) ont pensé que cette règle s’imposerait. Mais cela n’a pas du tout été le cas et cela n’a abouti qu’à une grande confusion des usages.
Pour ma part, j’utilise « laïque » dans tous les cas pour trois raisons :
- Cela correspond à la logique de la langue.
- Ça n’est pas connoté (ni catholique, ni franc-maçon).
- Cela règle les problèmes de genre : « des laïques » me semble plus simple à écrire que « des laïc.que.s » !
Pour plus de détails et de preuves, voir Thiéry-Riboulot V., 2022 Laïcité : histoire d’un mot, Paris, Genève, Honoré Champion, p. 186-199.