Questions/Réponses

Financement public des lieux de culte

Publié le 08/01/2023 par Vigie de la Laïcité
Avec Vigie de la Laïcité

Publié le 08/01/2023
Par Vigie de la Laïcité
Avec Vigie de la Laïcité

Question

Un lieu de culte peut-il être financé par des fonds publics ?

Réponse

Aux termes de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État sont exclues des budgets des collectivités publiques « […] toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » Toutefois, ce principe ne présente pas un caractère absolu. D’une part, ces budgets supportent les frais des services d’aumônerie aux fins d’« […] assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. » D’autre part, conformément au III de l’article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, dans sa rédaction issue de celles des 25 décembre 1942 et 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, les associations cultuelles peuvent recevoir des aides publiques, qui « […] ne sont pas considérées comme [des] subventions […] », en vue d’effectuer des « […] réparations ainsi que [des] travaux d’accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. »

Enfin, et ce point est essentiel, aux termes de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 « L’État, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. ».

Sur le caractère facultatif des dépenses d’entretien et de conservation des édifices cultuels appartenant aux collectivités publiques

Le législateur a permis aux collectivités publiques d’engager des dépenses d’entretien et de conservation des édifices cultuels qu’elles possèdent (lieux de culte construits avant 1905 : églises catholiques, temples protestants luthériens et calvinistes, synagogues). Il s’agit en théorie d’une simple faculté. Néanmoins, leur qualité de propriétaire les expose à la mise en cause de leur responsabilité en cas de dommage causés aux tiers ou aux biens de ces derniers.

Le juge administratif a traité cette question à propos du dommage corporel subi par un jeune garçon a raison de la chute d’un bénitier : «Considérant qu’il résulte de l’instruction que le jeune Brousse a été blessé, dans l’église de Monségur, par la chute d’un bénitier qu’il avait provoquée en se suspendant à son rebord avec deux de ses camarades ; que, dans l’ensemble des faits de la cause, tel qu’il est établi par les pièces jointes au dossier, il ne peut être relevé aucune circonstance de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, par suite, c’est à tort que le conseil de préfecture l’a condamnée à la réparation du dommage subi par le jeune Brousse du fait de l’accident ; »

A contrario, il est possible d’en déduire qu’un défaut d’entretien et de conservation d’un édifice cultuel expose la collectivité à la mise en jeu de sa responsabilité, ce qui restreint la portée réelle de la faculté énoncée à l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905.

Sur le lien établi entre la notion d’entretien et celle de conservation de l’édifice cultuel

La notion de conservation de l’édifice cultuel s’apprécie assez facilement, de façon autonome : il s’agit, en tout premier lieu, de maintenir en l’état le bâti par des travaux de gros-œuvre. En revanche, selon la jurisprudence, celle d’entretien dépend de la précédente. D’une manière générale, le Conseil d’État a établi, en effet, un lien étroit entre les deux, la seconde étant, en quelque sorte, subordonnée à la première. Même si, dans un avis du 11 décembre 1928 , le Conseil d’État a considéré qu’étaient légales, indépendamment de la conservation du bâtiment, les dépenses effectuées en vue d’installer l’électricité dans une église, il a jugé clairement qu’une commune propriétaire d’un édifice cultuel ne peut légalement qu’engager les dépenses «|…] rendues nécessaires par le mauvais état de cet édifice et qui ont pour but la conservation de cet élément du domaine communal » . À sa suite, le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, dans une circulaire opposable aux tiers du 29 juillet 2011 , estime que « La même analyse peut être appliquée aux dépenses d’installation de chauffage dès lors que le chauffage participe à la conservation de l’édifice. » Toutefois, il ajoute immédiatement : « En revanche, les dépenses de combustibles engagées pour l’usage de l’édifice à des fins cultuelles (cérémonies, réunions pastorales…) sont à la charge de l’affectataire. »

Dans une décision plus récente, à propos de la prise en charge par une commune rurale des frais de fournitures d’électricité destinées à l’église, la cour administrative d’appel de Nancy a explicité très clairement les limites auxquelles est soumise une collectivité publique en matière de dépenses d’entretien et de conservation des édifices du culte : elle a considéré que, « quel qu’en soit le montant, les personnes publiques ne peuvent engager d’autres dépenses que celles qui sont nécessaires à l’entretien et à la conservation des édifices du culte dont elles ont la propriété » et « qu’en acceptant de prendre en charge la totalité de la dépense d’électricité des églises sans limiter cet engagement aux seules dépenses nécessitées par l’entretien et la conservation de l’immeuble, le conseil municipal de Montaulin a, implicitement mais nécessairement, pris en charge la part de la dépense afférente à l’exercice du culte…qu’il s’ensuit que la délibération qui méconnaît les dispositions sus rappelées de la loi du 9 décembre 1905 modifiée est illégale ».

Sauf erreur, aucune décision d’une juridiction administrative ne porte sur la prise en charge par un budget communal des frais de ménage d’une église appartenant à la commune. Néanmoins, il suit de ce qui précède que les dépenses d’entretien d’un édifice affecté à l’exercice public du culte qu’une collectivité publique peut légalement payer doivent être en rapport avec la conservation du bâtiment, dès lors notamment que sa responsabilité serait susceptible d’être engagée en cas de négligence de nature à compromettre cette conservation. Les frais de ménage n’entrent manifestement pas dans ce cadre.

Au surplus, au regard de la jurisprudence ci-dessus rappelée, cette catégorie de dépenses ne saurait être regardée comme répondant au cas prévu par le III de l’article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. À l’instar des frais de fournitures d’électricité ou de combustible nécessaire au chauffage de l’édifice, elle paraît donc devoir être mise à la charge de l’affectataire.

Pour appuyer cette conclusion, il semble utile de rappeler la recommandation de clarification émise par l’auteur d’un rapport du Sénat de 2015 sur ces problèmes et de constater que les frais de ménage ne relèvent, dans l’esprit de l’auteur de ce document, des notions d’entretien et de conservation des édifices cultuels : « Dans cette perspective, il apparaitrait judicieux de reprendre la définition que la jurisprudence administrative donne actuellement de ces dépenses, envisagées comme « les travaux de gros œuvre visant à préserver des éléments de structure de l’édifice tels que les murs, la toiture, la charpente ou encore les sols ; la peinture, l’installation d’un système d’électricité ; les dépenses de chauffage dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à la conservation de l’édifice, à la sécurité des visiteurs et ne constituent pas un simple agrément visant à assurer le confort des fidèles ».

 

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