Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, se sont opposés à la ministre des Sports, Marie Barsacq et à la ministre de l’Éducation nationale, ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, à propos de l’interdiction de tout signe ostensible dans le sport amateur, en compétitions (en ciblant tout accessoire, même serré et équivalent à un bonnet serré, qui remplacerait un voile ou foulard musulman). Rappelons que le droit actuel permet déjà d’interdire tout signe ou accessoire qui s’opposerait à la tenue réglementaire prévue par les fédérations pour assurer la bonne pratique sportive.
Aller au-delà, c’est s’opposer à la laïcité qui ne prévoit la neutralité ou des restrictions qu’à ceux qui exercent un service public ou qui sont vulnérables. C’est aussi ouvrir la porte à la subjectivité et donc, potentiellement, à tout type de discriminations. Le Conseil constitutionnel, malgré sa composition plus politique que juridique, comme la Cour européenne des Droits de l’Homme pourraient ainsi contester une telle disposition législative.
Pourtant, l’actuel Premier ministre, François Bayrou, a donné raison à ses deux ministres régaliens, des hommes. Ainsi, le Gouvernement a réaffirmé son soutien à la proposition de loi sénatoriale qui prévoit une telle interdiction, au mépris du principe de laïcité, pourtant honteusement mis en avant. En 2004, la Commission Stasi, à l’origine de la loi du 15 mars 2004 contre le port de signes ostensibles à l’école, rappelait que cette loi ne saurait s’imposer à des adultes disposant de leurs droits et qui ne sont plus en phase d’apprentissage du savoir, c’est-à-dire au-delà d’une période où ils doivent librement développer leur esprit critique.
Cette même Commission, que personne n’oserait qualifier« d’islamo-gauchiste » ou de « naïve face à l’entrisme frériste », rappelait : « Les fondements du pacte social sont sapés par un repli communautaire plus subi que voulu au sein de quartiers relégués par le développement de discriminations fondées sur les origines. L’existence de discriminations, reflet d’un racisme persistant, contribue à fragiliser la laïcité. La perte d’identité, vexatoire, fait douter de la réalité de l’égalité et du respect effectif de tous les hommes et femmes. Si la mention ou la marque supposée d’une origine fait obstacle à l’insertion sociale, il ne faut pas s’étonner ensuite qu’une sorte de conscience “victimaire” conduise à valoriser a contrario cette origine, voire à la mythifier en exacerbant la différence. La grandeur des principes ne saurait être en aucun cas démentie par la bassesse des pratiques, sauf à ouvrir la voie à ceux qui exploitent les sentiments defrustration pour leurs desseins communautaristes. »
Aujourd’hui, donc, la France propose une législation inédite dans le monde, à l’exception des régimes nord-coréen, iranien ou saoudien, au nom d’une « laïcité » dévoyée, contraire à la pensée de ses fondateurs, Aristide Briand, Jean Jaurès ou Georges Clemenceau, et tous ceux qui à droite les ont rejoints pour l’adoption de la loi du 9 décembre 1905 dont nous fêtons les 120 ans. Ce ne sera pas faire honneur à ce texte que d’adopter une loi, dont l’exposé des motifs – qui affirme un continuum entre le port du voile et le terrorisme – est une insulte envers des millions de femmes. Voter une telle loi n’est en rien « courageux ». C’est au contraire le signe d’un grand renoncement, préférant la simplicité contre-productive à une action résolue mais électoralement moins « payante » : renforcer la mixité socio-culturelle partout, en particulier dans le sport, pour lutter contre les replis au sein de quartiers ségrégués ou de conditionnements sociaux.
La Vigie de la Laïcité