Note

Deux idées fausses sur le Burkini

Publié le 01/01/2020 par Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

Publié le 01/01/2020
Par Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

Le burkini, ou burqini, est un maillot de bain couvrant le tronc ainsi qu’une grande partie des membres (généralement les bras jusqu’aux poignets et les jambes jusqu’aux chevilles) et de la tête (les cheveux et la nuque, mais pas le visage). Il a été commercialisé à destination de certaines femmes musulmanes.

« La laïcité interdit le burkini sur la plage »

Faux. Le principe est celui de la liberté. Le droit distingue ensuite entre ce qui trouble l’ordre public ou non. Face à des risques de trouble à l’ordre public, un maire peut prendre, sous le contrôle du juge, des mesures de police, mais uniquement si celles-ci sont nécessaires, adaptées et proportionnées au but recherche. Ainsi, il convient de soigneusement distinguer le trouble objectif à l’ordre public – qui constitue une limite légale à la liberté de manifester sa religion – d’une perception subjective qui ne saurait en tant que telle justifier une atteinte à cette liberté. Notamment, la verbalisation de femmes portant un simple foulard sur les plages est illégale. Une telle pratique d’une « police du vêtement » ne peut d’ailleurs que provoquer des replis communautaires contraires à l’objectif de la laïcité.

Rappelons que suite à l’adoption par certaines communes d’arrêtés anti-burkini sur les plages durant l’été 2016, le Conseil d’État a jugé que ces arrêtés portaient « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ». Le Conseil d’État a souligné avec insistance qu’une restriction de l’accès aux plages ne pouvait être justifiée qu’en cas de « risques avérés » pour l’ordre public (ce qui a été retenu dans un seul cas par un tribunal administratif, en Corse, à Sisco) et pour garantir « le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence ».
En résumé, la laïcité n’interdit pas le port du burkini sur une plage publique. Et celui-ci ne peut l’être que dans les cas exceptionnels où il aurait en conséquence un trouble avéré à l’ordre public. Dans un État de droit, on n’interdit pas tout ce qui peut déplaire individuellement, même si l’on peut en débattre sur le fond, par les idées.

« L’interdiction du burkini dans des piscines publiques se fonde sur la laïcité »

Faux. L’interdiction possible se fonde sur l’hygiène et la sécurité. Si le principe de laïcité permet aux usagers des services publics de porter en leur sein des signes (qu’ils soient discrets ou non) ou tenues manifestant ou qui pourraient être perçus comme manifestant une appartenance religieuse, certains lieux de pratiques sportives supposent le port d’une tenue adaptée.

Dans le cadre d’une piscine publique, pour des raisons sanitaires, d’hygiène et de sécurité, le règlement intérieur de l’établissement sportif, qui s’impose à tous les usagers, peut ainsi prévoir l’interdiction de certaines tenues de bain. Dès lors, l’interdiction d’une tenue de bain de type burkini dans une piscine publique ne peut se fonder sur le principe de laïcité, mais peut s’appuyer sur des données matérielles démontrant que, pour des raisons sanitaires, d’hygiène ou de sécurité, une telle tenue ne peut être autorisée. Comme pour d’autres tenues de bain, il arrive que ce type de tenue de bain couvrante soit composée de matières ou comporte des volants qui ne permettent pas d’en garantir la propreté. Également, alors qu’il est obligatoire pour des raisons d’hygiène de se mettre en tenue de bain sur place, certaines de ces tenues sont parfois portées préalablement à la venue à la piscine. Par ailleurs, le port d’une tenue couvrant l’ensemble du corps peut entrer en contradiction avec l’obligation de prendre une douche savonnée avant l’entrée dans le bassin, ainsi qu’avec les règles de sécurité en cas d’accident (par exemple, la pose rapide d’un défibrillateur à même la peau). Enfin, si le port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse – ou pouvant être perçus comme tels – est possible pour les usagers des services publics, tout comportement prosélyte leur est en revanche interdit.

 

Publication originale dans En finir avec les idées fausses sur la laïcité, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2020, p. 126-129.

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