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Couvre-chefs interdits, principes bafoués : ce que cache la proposition de loi sur la laïcité dans le sport

Publié le 16/05/2025 par Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

Publié le 16/05/2025
Par Vigie de la Laïcité
Avec Nicolas Cadène

Aujourd’hui, le port de tout signe religieux, dont le voile ou le foulard, peut déjà être interdit par les fédérations sportives, si cela est justifié objectivement par des raisons de sécurité, d’hygiène, de bon déroulement des rencontres, les règles du jeu et la tenue réglementaire. Ainsi, cette proposition de loi vise à l’interdire même sans justification, via une appréciation subjective. En conséquence, dans les faits, il pourra par exemple être interdit tout couvre-chef, tel un bonnet serré ou une cagoule ouverte, pourtant déjà porté par des hommes pour diverses raisons.

Qui plus est, ce texte vise à interdire des pratiques qui peuvent déjà l’être : à savoir l’interdiction de tout usage cultuel d’un vestiaire sportif public ou le port d’une tenue de bain incompatible avec les règles d’hygiène et de sécurité d’une piscine publique. Cela traduit une volonté plus tactique que d’efficacité. Une telle législation serait unique au monde, si on excepte trois régimes non démocratiques qui imposent certaines tenues (Afghanistan, Arabie saoudite, Corée du Nord, Iran).

Il est qui plus est troublant de constater la mise en avant de la laïcité pour justifier ce texte. Car celle-ci n’a jamais imposé de telles interdictions générales. Ce texte pourrait au contraire être jugé opposé à la laïcité, qui ne suppose la neutralité ou des restrictions à la liberté de religion qu’à ceux qui exercent et représentent un service public ou qui sont en situation objective de vulnérabilité. Seuls les sportifs·ves des équipes nationales françaises doivent déjà être neutres car sélectionné·es par les fédérations, délégataires d’un service public (or sur ce point, l’on n’entend pas les auteurs de cette proposition de loi lorsque des joueurs d’équipes de France font des gestuelles religieuses).

Si l’on n’est pas dans une équipe de France (donc qu’on ne représente pas l’administration), si la tenue réglementaire est respectée, que le bon déroulement du match est assuré et que l’accessoire porté ne s’accompagne d’aucun prosélytisme, rien n’impose une interdiction. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État dans sa décision à propos des statuts, jugés conformes à la loi, de la FFF : la laïcité ne peut aucunement être invoquée pour des sportifs·ves de clubs privés, même si des interdictions sont possibles en se basant sur des critères objectifs.

Outre la question du droit, ce texte assume de fonder, de façon inédite, une interdiction sur une appréciation désormais subjective. Celle d’un supposé « entrisme » de l’islam politique et/ou radical dans le sport qui se caractériserait par le simple port du voile (ou couvre-chef). Cette appréciation, qui pose un continuum entre port du voile et islamisme radical, contredit un rapport récent du ministère de l’Intérieur qui porte sur ce sujet, et insulte celles qui se battent contre l’intégrisme islamiste tout en ayant fait librement le choix de porter un voile.

On peut citer ici, par exemple, Malala, Latifa Ibn Ziaten ou encore la vice-secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed. L’État, parce qu’il est laïque, ne saurait juger sans raison objective une pratique religieuse individuelle. En l’espèce, celle du port du voile ou foulard, dont il peut simplement être rappelé que la signification est factuellement polysémique.

Le seul critère d’appréciation de l’administration doit être celui du respect strict de l’ordre public et de la liberté d’autrui. Il peut ici être rappelé que toute contrainte envers autrui pour porter le voile ou tout autre signe religieux est déjà passible de lourdes condamnations. De plus, à propos de l’argument des auteurs de ce texte renvoyant à la Charte olympique (règle 50), rappelons que cette dernière interdit la « propagande » et non le port d’accessoires ou signes personnels compatibles avec la pratique sportive. D’ailleurs, le CIO ne s’oppose pas au port d’un accessoire remplaçant le voile et renvoie à chaque délégation nationale la réglementation à suivre en matière du port de certains signes. Concernant un supposé « flou » des règles selon les fédérations, il suffit de rappeler le bon sens : il est évident que les définitions des tenues réglementaires ne peuvent pas être les mêmes selon les sports pratiqués, puisqu’ils ne supposent pas les mêmes contacts ni règles.

Sur l’argument rappelant que « certaines se battent dans le monde pour pouvoir ne pas porter le voile », précisons que celles-là mêmes ne se battent pas pour qu’aucune femme ne puisse plus le porter, mais pour que chaque femme puisse librement choisir d’en porter un ou non, sans contrainte étatique.

À propos de la défense d’une extension de la loi de 2004 (qui s’applique aux élèves des écoles, collèges et lycées publics) aux sportifs·ves amateurs, rappelons que la Commission Stasi (à l’origine de la loi) rappelait que cette loi ne saurait s’imposer à des adultes et à ceux qui ne sont pas en phase d’apprentissage des bases du savoir. En réalité, de toute évidence, ce texte, au nom d’une « laïcité » dévoyée, ferait le jeu des endoctrineurs radicaux en leur offrant l’argument de la discrimination (d’autant que l’exposé des motifs de la proposition de loi cible expressément un seul signe), alors que le droit actuel permet déjà toute interdiction nécessaire.

Agir ainsi, c’est préférer la simplicité contre-productive à une action résolue mais électoralement moins payante : renforcer la mixité socio-culturelle partout (dont le sport) pour lutter contre les replis au sein de quartiers ségrégués et qui seraient liés aux conditionnements sociaux. Quant aux sondages, les réponses médiatisées ne sauraient surprendre : ces derniers, commandités par des médias d’opinion, ne rappellent pas ce que le droit permet déjà, ni qu’il s’agirait, de fait, d’exclure des sportives avec de simples accessoires (en réalité, non pas un voile, mais un bonnet serré ou une cagoule ouverte par exemple) ne posant aucune difficulté concrète.

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