Un employeur peut, en raison des « intérêts de l’entreprise » (ou de l’association), prévoir dans le règlement intérieur d’une entreprise (ou d’une association) ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, une « clause de neutralité » interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette « clause générale et indifférenciée » (c’est-à-dire visant toutes les convictions et tous les salariés sur le poste concerné) n’est appliquée qu’aux salariés du poste concerné se trouvant « en contact avec les clients » (ou les personnes accueillies) ; et dès lors qu’il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise (ou de l’association) et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à un salarié qui refuserait cette clause un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients (ou personnes accueillies), plutôt que de procéder à son licenciement. Mais le simple fait d’être au contact de la clientèle (ou des personnes accueillies) n’est pas en soi une justification légitime pour restreindre la liberté de religion du salarié. Ce critère suppose donc une évaluation minutieuse, au cas par cas, selon les situations. Il n’est pas possible d’interdire le port de signes religieux uniquement et sur la seule demande d’un client (ou d’une personne accueillie) qui serait gêné. Une interdiction ne peut se fonder sur du simple « ressenti ».
Ainsi, pour que la clause de neutralité soit justifiée (outre donc qu’elle doit viser tous les signes convictionnels et tous les salariés en contact avec la clientèle ou les personnes accueillies, mais uniquement eux, sauf si la justification est la préservation de conflits sociaux), il faut qu’en l’absence d’une telle politique de neutralité, il soit porté atteinte à la liberté d’entreprise (CJUE, 13 octobre 2022) ou d’association, en ce que compte tenu de la nature de ses activités ou du contexte dans lequel celles-ci s’inscrivent l’entreprise ou l’association en question subirait des conséquences objectivement défavorables. C’est ensuite au juge de l’évaluer, d’où la prudence à avoir. Et ce d’autant plus que la CEDH jugera légèrement différemment selon le pays concerné (par exemple, la notion d' »entreprise de tendance » étant admis plus largement en droit belge, il y a en Belgique une marge d’action plus large pour les entrepreneurs).
Enfin, il est à noter que la neutralité des salariés doit s’appliquer d’office si la mission exercée est une mission de service public (qui peut être déléguée par une administration publique, ou qui sinon doit répondre à ses critères de qualification : mission d’intérêt général décidée par une autorité publique, dont les objectifs, l’organisation et leur contrôle relèvent de cette même autorité).